Bedybike

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En guise de conclusion

 

Je suis parti avec l'idée d'aller à la rencontre des personnes qui vivent le long du Rhône, de véhiculer à deux roues les valeurs qui définissent autant l'entreprise que je voulais représenter que les miennes.

 

Les rencontres ont été riches, multiples, généreuses. Elles ont été à la hauteur de ce que je voulais porter et de ce que je voulais aborder. Les thématiques m'ont ouvert les portes de discours et de discussions souvent devenus intimes et profondes.

 

Le Rhône était mon itinéraire, le parcours initiatique d'un fleuve comme allégorie au cheminement de la vie. Les rencontres était les jalons qui marquent les étapes de cette vie, les moments importants, les carrefours clé qui définissent les orientations, les choix.

 

Le Rhône m'aura plongé dans la réflexion au long court tandis que je suivais autant que possible sa trace, tout comme il m'aura apporté les certitudes des apprentissages qui sont les miens.

 

Il m'aura montré la vie fourmillante, l'activité créative et créatrice que nourrit ses rives.

Pierre modelées, vins travaillés, musiques enjouées. Tout n'aura été que prétexte pour se plonger dans des univers authentiques et passionnés.

 

Partage, convivialité, hospitalité étaient au cœur de l'activité portée depuis mon départ. Ils ont été au rendez-vous chaque soir, magnifiés par des personnages qui n'avaient que le soin de mettre en lumière ces valeurs mêmes dont j'étais venu discuter.

 

Lorsque les valeurs sont au cœur d'une logique cohérente, il est imparable que le projet défini par ce cœur ne peut mener qu'à la réussite. Lorsque les certitudes prennent le pas sur les doutes, et que la justesse des idées prennent le devant sur la justice du faire semblant, il ne peut y avoir qu'un aboutissement glorieux.

 

Le travail et l'abnégation de ceux qui cotoient le Rhône que j'ai rencontré se suffisent à eux mêmes. Ils ne souffrent d'aucune comparaison, ne cherchent pas la rivalité ni ne remettent en cause d'autres réalités.

 

J'ai croisé des hommes, des femmes, qui ont changé de vie, de mode de fonctionnement, là où d'autres ont accepté de poursuivre dans un mode inadapté. La volonté d'être en cohérence avec eux mêmes, d'être au plus prêt de leurs réalités ont été déterminants et déclenchants. L'entreprise au sens générique pour tendre vers ces idéaux est libérateur d'une énergie fantastique.

 

Ce parcours se veut être le témoin privilégié, dans une aventure modeste et toute relative, dans le plaisir de servir ses desseins, de ce que la richesse peut promouvoir.

 

Cette force de persévérance qui côtoie d'autres réalités pressantes, cette insistance à rester au près de ses racines profondes est une composante essentielle portée par le projet initial.

 

La coexistence seine est une donnée, une composante, qui ne peut ni ne doit non plus souffrir de l'omniprésence d'autres. Bedycasa, le déclencheur de cette initiative, existe avec son identité. Ceux qui m'ont ouvert leurs portes m'ont prouvé la pertinence de ses croyances et le poids de cette identité.

 

J'étais convaincu avant de partir du sens donné à cette initiative; je rentre empli de convictions embellies par tant de moments partagés à l'intérieur d'un intervalle temps pourtant si réduit.

 

Si ce que j'ai voulu soutenir m'apparaissait comme une évidence avant le départ, mon soutien pour cette entreprise n'est que plus grand aujourd'hui.

 


03/11/2015
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D'une source à l'autre

Le ton a changé. Le temps change. La mer déroule sur le sable son écume blanche. Les rouleaux s'échouent avec la mélodie de la mer. J'inspire les embruns et déroule le film du parcours. Le Rhône s'est jeté à bras ouvert dans ses plus folles aspirations. Je n'ai pas terminé. Je dois remonter au commencement.


Au tout début lorsque le Rhône balbutiait ses premiers filets, je balbutiais l'idée d'aller à sa rencontre. Je l'ai suivi comme un parcours de vie, comme l'entreprise de mener à terme des engagements authentiques. Mon vélo m'a conduit sur les routes à l'encontre de ceux et celles qui ont accepté de me recevoir. Aux origines, une autre rencontre, surgi d'une convergence d'idéaux. Prémice de toutes les suivantes.

 

Je quitte Saintes Maries de la mer. Le bruit des vagues s'estompe. Je remonte la longue avenue qui m'éloigne définitivement du front. La pluie me rattrape; c'est une carte postale du Rhône. Je suis pris dans les grands axes de circulation. Je change de direction. Le canal de Séte me guide avant que je ne remonte un secteur boueux puis ne rejoigne la route qui mène à Montpellier. Ça se complique. Je tourne, vire, cherche la voie hors des flux ininterrompus de véhicules. Je rejoinds le centre par une longue piste cyclable. Sur le sol trempé d'un passage abrité ma roue dérape. Je valdingue. Une saccoche est éjectée. Je l'aurai finalement eu ma gamelle! J'arrive enfin. Je range le vélo, prends une douche, me change, et file vers les origines du projet. De la source du Rhône j'atteinds la source de mes aspirations, l'amorçage de l'initiative. Je retrouve Simon qui m'attend au bas du bâtiment. Nous prenons l'ascenseur. Magali nous rejoint. La boucle est bouclée.

 

La pierre de voyage, modelée par les forces du Rhône aura terminé l'aventure du fleuve, chargée de conviction plus grande encore, nourrie des rencontres  le long des berges. Désormais sa route bifurque. Une autre poche la portera.

 

La route se termine. L'histoire aussi. Il y a d'autres histoires. Ça continue...


27/10/2015
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J8-Beaucaire/Saintes Maries de la mer

"Beaucaire ville d'eau et de pierre" lit-on à l'entrée du village.  Je n'ai vu que l'eau. Je descends de ma chambre et débarque dans le salon.
"Petit déjeuner? "
-Euh..ben non ce n'est pas prévu. Je n'ai rien réservé.
-Ah bon?  Mais j'ai tout préparé.
-Ah...euh. ..bon d'accord.
-Café?
-Ah oui!
Jus d'orange?
-Oui merci.
-Allez y...piochez dans les plats...

La fille d'Annick est arrivé ce matin alors on papote un peu tout les trois.
C'est drôle. On dirait de vieilles connaissances. Faut qu'en même que je parte.
Je remplis les sacoches de sablés à  la cannelle, de merveilles et de croquants à la pistache.
"C'est vrai, j'oublie tout le temps. Ici on fait trois bise!"
Je disparais derrière le portail qui se referme.

 

C'est un peu plus loin, à  Fourques, que le Rhône donne naissance au petit Rhône. Au moins il ne s'est pas embêté pour lui trouver un nom. Le Rhône entre dans l'arène. À partir de Arles il entame le dernier tronçon de son entreprise. Son acharnement éclate en grand. Il déploie ses tentacules et formera le delta. J'entre en piste. Du moins je la retrouve. Désormais c'est une longue section quasi rectiligne qui m'attend. Port Saint Louis: 38km. Le vent s'invite. Il souffle, de face. Je sers les fesses.
"Pourquoi tiens tu a m'empêcher d'avancer? De toute façon tu sais que j'irai"
Le fleuve me montre la voie. Son flux continu s'écoule d'un mouvement fluide et régulier. Les heures sont comptées. Les kilomètres plutôt. Port Saint Louis. Le port. Les commerces tristes. Je sais que pour aller au bout, je dois encore rouler jusqu'à la plage Napoléon. Je livre une dernière bataille contre le vent. Qu'importe. Je devine des voiles au loin qui savent en tirer mieux profi. La mer. Le Rhône rejoint enfin ce qui depuis longtemps le pousse vers l'avant. C'est ici qu'il se déverse dans les eaux salées avant de disparaître, dilué dans la masse. C'est ici qu'aboutit son grand proget.

 

"Je peux te le dire maintenant. En arrivant à Arles, j'avais envisagé de te quitter. Je croyais que je pourrais te laisser terminer ton oeuvre, pendant que je filerai le long du canal de Séte. J'ai passé trop de temps à tes côtés. Je t'ai regardé quitter le ventre du Leman. Je t'ai vu hésiter, cheminer au gré de tes caprices, recevoir d'autres eaux dans ton lit. Je t'ai vu calme, ou courroucé,  je t'ai entendu gronder. Tu as grandi et affirmé celui que tu voulais être. Tu es devenu frontieres, transporteurs, bâtisseurs. Je ne pouvais pas t'abandonner là, si prêt de ton but. Alors je t'ai accompagné. Jusqu'au bout. Jusqu'à la mer.

On t'a mis des obstacles, dressé des barrages, modifié l'aménagement de tes berges. On a tenté de changer le cours de ton histoire. Ca n'a pas été un long fleuve tranquille, tu en sais quelque chose. Mais avec persévérance tu as dessiné ta trace et marqué ton empreinte jusque sur le sable de Camargue. 

Je ne peux rester plus longtemps. Je m'en vais.
Je rejoins Saint Louis. Je suis un parcours fléché mais il n'y a pas de flèches. Ici ou là on me renseigne sur la route à prendre. Je ne veux pas faire le grand tour par la route mais suivre la grande digue de mer qui separe la Mediterannee des étangs. Je cherche le phare de Gacholle qui montre la routes aux plaisanciers. Il saura me guider. Des kilomètres de piste tassée entourée de paysages somptueux rendus plus  beaux par la lumière rasante du soleil tombant. Les flamants roses, les mouettes rieuses et les hérons cendrés participent au spectacle. Je pourrais encore rouler des heures dans tel dénouement.

 

Saintes Maries de la mer. Priez moi moi.
Pour la première soirée depuis le départ je loue une chambre d'hôtel.  Ce soir il n'y aura pas d'explications ni de longues discussions. Pas de morceau de Flamenco ni de repertoire classique. Il n'y aura pas non plus de ragoût d'agneau ni de Côte du Rhône.
Ce soir il y aura un peu tout ça.
Ce soir je reste en tête à tête avec le bruit du large.


26/10/2015
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J7-Pont Saint Esprit/ Beaucaire

"Qu'est ce qu'elle a cette tablette à indiquer une heure de moins que mon téléphone?
-Ce qu'elle a? Changé d'heure peut être. ..

Je suis connecté à internet mais déconnecté au temps.

 

-Dis donc, j'ai jamais compris la différence entre le persan et le farci ?
-C'est la même chose. Farci ça veut dire persan en persan.

Derrière une langue il y a une culture. Derrière une culture il y a une façon de penser. Derrière une facon de penser on peut comprendre. Et quand on comprend on n'a plus peur de la langue.

 

J'ai peu dormi mais ce passage à l'heure hivernale me laisse du temps. Je ne suis pas pressé. Les fruits dans le shaker le sont, pour former un jus épais et multivitaminé. Avec ça je suis prêt pour une nouvelle journée.

Le départ est agreable. Le Rhône est bien au rendez-vous. Il a vraiment pris de l'assurance, de l'amplitude. Qu'il est loin le cours d'eau des hauteurs suisses! Ce matin je le trouve agité, en proie à des remouts inhabituels. Sûrement l'excitation de se sentir proche du but. Je le laisse tranquille. Il se calmera de lui même. Inutile d'en rajouter.

 

Je fais le pape dans la cité. Avignon m'offre des pavés qui me font mettre pied à terre. Je pousse. Je prend un café. Un pousse café. Je pousse la tasse. Je repousse le vélo. Saint Benezet tu ne m'auras pas. Je ne m'attarde pas. Je grimpe au village des Angles. Je m'approche d'un belvédère pour chercher une route. Je suis dans une impasse. Je dois revenir sur mes pas et rattraper le Rhône au pied de la longue côté. Je suis en mouvement mais je n'avance pas. C'est intéressant comme concept. Je fais de la procrastination active.

Je longe une route, interminable. C'est embêtant une ligne droite; il n'y a pas de virage. Je m'arrête manger aux milieu d'oliviers. Des vertes, des noires...et des pas mûres. C'est paisible.

 

Plus je descends et plus la température monte. Je suis parti de Genève avec gants et bonnets. A présent le soleil arrive à me donner chaud.

Les kilomètres qui mènent à Beaucaire n'ont pas grand intérêt. Du coup je prépare mentalement la journée de demain. Je ne sais pas si je suis impatient ou si je l'appréhende. En fait ni l'un ni l'autre. Demain est un grand jour pour le Rhône. Il en sera un pour moi. Pour l'heure j'arrive à Beaucaire. C'est pas beau et je ne peux rien y faire.

Je rejoinds le numéro 220 de la rue que je n'ai minutieusement pas notée. Anick m'a renvoyé l'adresse par message. Elle m'accueille avec son mari, et leur fils de 6,5 ans. Lui est peu bavard. Anick très. Nous parlons de cultures locales, de défilés de manades et de gardians. Elle me parle surtout de sa peur de voir cela disparaitre. Je sens le poids des traditions régionales. J'oscille entre parler et écouter. Je bois un jus. Nous buvons un blanc. Je suis convié à leur table. Je suis gêné d'accepter. J'accepte. Elle passe beaucoup de temps à la maison par obligation, et du coup s'active en cuisine pour faire profiter à ses amis de son grand intérêt pour la cuisine et les desserts en particulier. On bavarde dans la salle à manger surchauffée par un insert trop efficace. Anick veille à ce que je ne manque de rien. Et je ne manque de rien mais contrairement à l'insert je commence à ne plus être très efficace.


25/10/2015
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J6-Le Pouzin/Pont Saint Esprit

"Café ou thé?
-Café!
-Serré?
-Oui, avec du sucre.

La nuit à été trop courte.
Les confitures de maman bretonne aux prunes et épices sont excellentes.
Les chauds et froids ont attaqué mes bronches. Je ne bronche pas. Je bois mon café et m'éclaircis la voix.

 

"Super bon ton ragoût à l'agneau d'hier soir. Tu la fais comment ta préparation?
-Une base italienne; pour le reste j'adapte à ma sauce.
L'Italie s'invite au petit déjeuner. Cela me met en appétit.  Envie d'avaler des kilometre.

 

Michael part en forêt avec son cousin. Il espère trouver quelques chanterelles. Rien d'autre que son hospitalité ne me retient. Je quitte Le Pouzin. Le Rhône est une frontiere géographique. Drôme d'un cote, Ardeche de l'autre.  La rue Jolio Curie est une frontière de la connerie. Maghrébins d'un cote, racistes de l'autre. Sans commentaire.

 

Je suis les éoliennes. Tournent tournent les aiguilles du vent. Je prends le temps. Je franchis un cours d'eau. Les chaussures sont mouillés.  J'imagine que par temps de pluie, la route doit être difficilement praticable.

Je croise un chasseur, fusil sur l'épaule. "Je ne suis pas une becasse."
Un chien aboie..ouaf ouaf.  Je lui réponds...ouaf ouaf. ..Il ne comprend pas. Je suis déjà loin.

 

Je rejoins Yulian, un allemand qui descend le Rhône avant de poursuivre jusqu'à Barcelone, puis l'Andalousie. Nous faisons un  bout de route ensemble. Un chateau en ruines planté sur un piton rocheux nous fait lever la tete. Il dort sous la tente. Du coup je lui donne des plans pour Montpellier. Il devrait trouver un lit au chaud. Il file sur Montellimar. Je laisse tomber les nougats. Je trouverai bien d'autres sucres. Je poursuis vers le sud. "Passe le bonjour à Gaudi".

 

Je traverse le Rhône. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il fait semblant de m'ignorer. C'est vrai que nous avions besoin d'un peu de distance. Je fais le premier pas. Je me rapproche. Je reprends la route à ses côtés.

 

Une radar pédagogique m'accueille avec un grand sourire. "19km/h".
"Tu m'étonnes. Avec moi tu ne ferras jamais la tête!"

Le sandwich de Bourg Saint Angel, lui, me fait la tête. Je n'ai rien contre les noms composés mais la mimolette servi avec le jambon s'accroche à mon l'estomac. Je raccroche les sacoches et disparaît.
Ça commence à sentir la Méditéranée, le romarin et la lavande. Ici le Rhône coule des jours paisibles. Moi, je suis trop jeune pour ça.  Alors je redouble d'efforts pour atteindre mon but. Direction Avignon? C'est tout bon...on y danse, on y danse.

 

Un faisan me coupe la route...et les passages piétons ça sert à quoi? Au moins le héron utilise les couloirs aeriens.
A force de riper sur les bordures d'asphalte je vais finir par faire un soleil. Je veux bien quelques égratignures mais je ne tiens pas à déchirer ma membrane imperméable ; j'attends la pluie sous 48h. Pour l'heure c'est soleil.

 

Les collines se tassent, s'abaissent. Elles sont plus timides. Le relief se modifie. Le Ventoux dresse encore son crâne pelé. L'Ardèche s'est jeté dans le Rhône. Est-ce ses gorges qu'il apprecie tant? Il prend de plus en plus d'assurance. Je ne me formalise pas.

 

Je rentre dans un cafe vide, ou presque. On m'invite à un table.
-Je connais Cracovie,  mais Varsovie non.
-Tu sais où dormir?
-Oui, pas très loin d'ici.

Elle est sympa la polonaise.

 

-Allo Thierry...tu seras à Montpellier ce week-en?
-Ah non, pas avant milieu de semaine prochaine.
-...

 

-Romain? Je suis à la voie ferrée. Tu me guides?
-Attends. J'arrive dans deux minutes.

Il fait vraiment très doux ce soir. Romain aussi est doux. D'où? De Pont Saint Esprit. On boit une verre. Il me questionne. Je lui raconte tout ce que je peux lui dire. Ça lui plait beaucoup. A moi aussi.
On parle d'Ecosse, de Highland, de vallées sauvages et de loch. On boit du whisky et ses arômes de tourbe.

On parle d'Iran et de persan, de Téhéran et d'Hisfahan. 
D'accueil, de bras ouverts, de soumission et de galère.

 

-Tu as un sacré télescope là!
- Un miroir de 400 mm...de quoi voir les cratères de la Lune avec clarté, et les nébuleuses. C'est passionant. Ça aurait été avec plaisir mais le ciel est couvert. On ne pourra pas voir les étoiles cette nuit.
-Même les yeux fermés,  j'en vois qui brillent.

 

Ses yeux ouverts brillent aussi. Je fais fermer les miens.

 


25/10/2015
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