Bedybike

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J6-Le Pouzin/Pont Saint Esprit

"Café ou thé?
-Café!
-Serré?
-Oui, avec du sucre.

La nuit à été trop courte.
Les confitures de maman bretonne aux prunes et épices sont excellentes.
Les chauds et froids ont attaqué mes bronches. Je ne bronche pas. Je bois mon café et m'éclaircis la voix.

 

"Super bon ton ragoût à l'agneau d'hier soir. Tu la fais comment ta préparation?
-Une base italienne; pour le reste j'adapte à ma sauce.
L'Italie s'invite au petit déjeuner. Cela me met en appétit.  Envie d'avaler des kilometre.

 

Michael part en forêt avec son cousin. Il espère trouver quelques chanterelles. Rien d'autre que son hospitalité ne me retient. Je quitte Le Pouzin. Le Rhône est une frontiere géographique. Drôme d'un cote, Ardeche de l'autre.  La rue Jolio Curie est une frontière de la connerie. Maghrébins d'un cote, racistes de l'autre. Sans commentaire.

 

Je suis les éoliennes. Tournent tournent les aiguilles du vent. Je prends le temps. Je franchis un cours d'eau. Les chaussures sont mouillés.  J'imagine que par temps de pluie, la route doit être difficilement praticable.

Je croise un chasseur, fusil sur l'épaule. "Je ne suis pas une becasse."
Un chien aboie..ouaf ouaf.  Je lui réponds...ouaf ouaf. ..Il ne comprend pas. Je suis déjà loin.

 

Je rejoins Yulian, un allemand qui descend le Rhône avant de poursuivre jusqu'à Barcelone, puis l'Andalousie. Nous faisons un  bout de route ensemble. Un chateau en ruines planté sur un piton rocheux nous fait lever la tete. Il dort sous la tente. Du coup je lui donne des plans pour Montpellier. Il devrait trouver un lit au chaud. Il file sur Montellimar. Je laisse tomber les nougats. Je trouverai bien d'autres sucres. Je poursuis vers le sud. "Passe le bonjour à Gaudi".

 

Je traverse le Rhône. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il fait semblant de m'ignorer. C'est vrai que nous avions besoin d'un peu de distance. Je fais le premier pas. Je me rapproche. Je reprends la route à ses côtés.

 

Une radar pédagogique m'accueille avec un grand sourire. "19km/h".
"Tu m'étonnes. Avec moi tu ne ferras jamais la tête!"

Le sandwich de Bourg Saint Angel, lui, me fait la tête. Je n'ai rien contre les noms composés mais la mimolette servi avec le jambon s'accroche à mon l'estomac. Je raccroche les sacoches et disparaît.
Ça commence à sentir la Méditéranée, le romarin et la lavande. Ici le Rhône coule des jours paisibles. Moi, je suis trop jeune pour ça.  Alors je redouble d'efforts pour atteindre mon but. Direction Avignon? C'est tout bon...on y danse, on y danse.

 

Un faisan me coupe la route...et les passages piétons ça sert à quoi? Au moins le héron utilise les couloirs aeriens.
A force de riper sur les bordures d'asphalte je vais finir par faire un soleil. Je veux bien quelques égratignures mais je ne tiens pas à déchirer ma membrane imperméable ; j'attends la pluie sous 48h. Pour l'heure c'est soleil.

 

Les collines se tassent, s'abaissent. Elles sont plus timides. Le relief se modifie. Le Ventoux dresse encore son crâne pelé. L'Ardèche s'est jeté dans le Rhône. Est-ce ses gorges qu'il apprecie tant? Il prend de plus en plus d'assurance. Je ne me formalise pas.

 

Je rentre dans un cafe vide, ou presque. On m'invite à un table.
-Je connais Cracovie,  mais Varsovie non.
-Tu sais où dormir?
-Oui, pas très loin d'ici.

Elle est sympa la polonaise.

 

-Allo Thierry...tu seras à Montpellier ce week-en?
-Ah non, pas avant milieu de semaine prochaine.
-...

 

-Romain? Je suis à la voie ferrée. Tu me guides?
-Attends. J'arrive dans deux minutes.

Il fait vraiment très doux ce soir. Romain aussi est doux. D'où? De Pont Saint Esprit. On boit une verre. Il me questionne. Je lui raconte tout ce que je peux lui dire. Ça lui plait beaucoup. A moi aussi.
On parle d'Ecosse, de Highland, de vallées sauvages et de loch. On boit du whisky et ses arômes de tourbe.

On parle d'Iran et de persan, de Téhéran et d'Hisfahan. 
D'accueil, de bras ouverts, de soumission et de galère.

 

-Tu as un sacré télescope là!
- Un miroir de 400 mm...de quoi voir les cratères de la Lune avec clarté, et les nébuleuses. C'est passionant. Ça aurait été avec plaisir mais le ciel est couvert. On ne pourra pas voir les étoiles cette nuit.
-Même les yeux fermés,  j'en vois qui brillent.

 

Ses yeux ouverts brillent aussi. Je fais fermer les miens.

 



25/10/2015
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